Article publié sur le site The 3 UN Days le 14 janvier 2011
LOUIS ROSSIER
Interview du secrétaire général des JLR de Fribourg (Jeunes Libéraux Radicaux), Savio Michellod.
Beaucoup estiment que les jeunes d’aujourd’hui – les votants de demain – ne croient pas aux institutions démocratiques, et que s’ils pouvaient continuer à vivre dans leur confort habituel, ils ne verraient aucun inconvénient à ce qu’on leur ôte leur liberté politique. Qu’en pensez-vous ?
C’est l’impression que donnent les jeunes, peut-être, parce qu’on en voit peu qui s’engagent en politique, mais il faut souligner qu’il n’est pas facile de s’engager dans le canton de Fribourg, car c’est un canton plutôt conservateur. De plus, si officiellement les partis mères se réjouissent de voir des jeunes s’engager, ils nous regardent toujours avec une certaine appréhension, redoutant nos erreurs, que l’on fasse trop de vagues. Pour s’engager en politique, il faut aussi être motivé, et prêt à prendre du temps, beaucoup de temps. Mais dire que les jeunes ne s’engagent pas en politique, je pense que c’est faux.
Mais il y a également ceux qui se désintéressent tellement à la politique, que non seulement ils ne s’engagent pas, mais qu’ils ne votent même plus, ou refusent de signer les initiatives par « manque de temps ».
Ce n’est pas l’apanage des jeunes. En regardant les taux de participation on constate en effet qu’ils sont faibles, mais il n’y a pas que les jeunes qui ne vont pas voter. C’est un problème généralisé. Dans mon district, en Veveyse, on a un des taux de participation les plus faibles aux élections du Grand Conseil, on est à 35 %. Certaines communes sont même à 25 % de participation. Ce n’est pas la faute des jeunes, c’est à cause d’un désintérêt général pour la politique, car chez nous tout va bien, et lorsque tout va bien, on a aucune raison de s’intéresser et de s’impliquer. On est content, tout va bien comme ça, alors pourquoi est-ce qu’on changerait les choses ? Pourquoi chercher à les changer ? Mais on constate que pour les sujets passionnant les gens, notamment les gros débats lancés par l’UDC sur l’expulsion des étrangers, on a une participation massive, même en Veveyse on a atteint 55 %, c’est beaucoup plus que pour les élections au Grand Conseil par exemple.
Est-ce que vous trouvez ça grave ? Est-ce que ça vous inquiète ?
Oui, c’est dommage qu’on ne prenne pas conscience de cette chance qu’on a. Aujourd’hui dans le monde, il faut dire les choses telles qu’elles le sont, nous sommes des privilégiés. Il y a de nombreuses personnes qui aimeraient avoir des droits comme ceux dont nous bénéficions, de nombreuses personnes qui vivent dans des régimes encore totalitaires, qui, face à la violence, envient la Suisse. Et on peut prendre des cas moins extrêmes, comme en Allemagne, à cause d’une gare à Stuttgart, où les citoyens, dépourvus du droit de référendum, doivent descendre dans la rue pour s’opposer à sa construction et il y a eu ces jours des manifestations très violentes, pour faire plier le gouvernement. Mais c’est dommage d’en arriver là. Nous devrions être conscients de cette chance que nous avons de pouvoir participer comme ça à la vie du pays, par les nombreuses initiatives, référendums.
Quelles sont les valeurs que vous défendez personnellement ? Vos convictions ? Vos idées ?
Je défends les valeurs du parti libéral-radical. C’est-à-dire en premier lieu la responsabilité individuelle. Nous pensons que chacun est responsable de ce qu’il est, et qu’en se donnant de la peine il peut y arriver. Evidemment, certains sont dans des situations difficiles, ils ont besoin d’aide, et nous ne nous y opposons pas. Nous sommes prêts à leur donner la petite étincelle qui va faire repartir la motivation. Nous pensons que chacun doit se construire, et s’engager dans sa vie pour réussir du mieux qu’il le peut.
Ensuite nous défendons également la liberté, liberté de penser, liberté religieuse, liberté de presse, toutes les libertés. Nous sommes contre les interdictions, quelles qu’elles soient. Par exemple, l’initiative sur les armes, j’y suis personnellement opposé, parce que c’est une interdiction supplémentaire, alors qu’il n’y a pas vraiment de problèmes à ce sujet en Suisse. Il y a beaucoup de mensonges qui circulent sur cette initiative, on prétend par exemple que le taux de suicides par armes à feu est trois fois plus élevé en Suisse qu’ailleurs, c’est vrai, mais le taux de suicide global est plus faible en Suisse qu’ailleurs. Prenons par exemple la Japon, un pays presque sans arme, c’est un pays qui a un taux de suicide extrêmement élevé : 24.4 suicides par année pour 100’000 habitants ! En Suisse, nous en sommes à 14.4, et les USA, où on peut acheter une arme cinq ans avant de pouvoir boire une bière, il est de 11.1. Ce n’est pas à cause des armes que les gens se suicident, c’est parce qu’ils sont dans des situations désespérées. Mais je comprends que les partis de gauche préfèrent interdire les armes plutôt que de trouver un moyen pour éviter que des gens se retrouvent dans de telles situations, et en viennent à mettre fin à leurs jours.
Comment appliquez-vous vos idéaux dans votre vie, de manière concrète ?
Eh bien, je me suis engagé pour réussir ce que je voulais faire, j’ai travaillé pour réussir mes études de droit, et arriver à obtenir mon master le plus rapidement possible. Ensuite, j’ai fait des efforts pour trouver une place de travail, et j’ai réussi sans profiter de contacts ou autres astuces de ce genre. J’ai vraiment fait tout ce qu’il fallait moi-même pour y parvenir. Autrement, je les applique à travers mon engagement en politique, pour l’instant je ne suis pas élu, ce qui limite mon pouvoir. J’écris des lettres dans les journaux, rédige des communiqués de presse, je participe aux motions, pétitions et initiatives lancées par mon parti, c’est comme ça qu’on concrétise nos idées.
Vous avez sous les yeux les huit objectifs du millénaire de l’ONU, qui doivent être atteint pour 2015. Comment réagissez-vous au fait que le SIDA progresse, que la faim dans le monde s’étend, que les femmes sont persécutées dans de nombreux pays, alors que pendant ce temps votre parti s’occupe de réagir face au nouveau sens unique au milieu de la ville de Fribourg ?
J’ai envie de dire que nous faisons ce que nous pouvons. Lutter contre la faim dans le monde, tout seul, c’est un peu difficile. Lutter contre le sens unique, on peut y arriver. Au moins nous nous engageons pour quelque chose, ce que tout le monde ne fait pas. Pour ma part, comme vous le voyez je ne suis pas suisse, je suis indien, et j’ai fait une fois un voyage humanitaire en Inde. J’ai donné mon temps pour cette cause, nous avons récolté des fonds. Nous nous sommes engagés pour un village qui promeut justement ces mêmes objectifs qu’a fixés l’ONU, et je pense que s’engager pour ces buts c’est une affaire très personnelle. Il faut avoir le temps de le faire. Je comprends que des préoccupations personnelles puissent paraître futiles par rapport à tout ça, mais en même temps, on doit s’occuper de ce qu’il se passe ici, et s’engager pour quelque chose c’est toujours mieux que de rien faire, de rester chez soi à pleurer sur l’état du monde. Si un jour j’ai la possibilité de faire quelque chose de plus important pour que les choses aillent mieux, je le ferai. Pour l’instant, je ne peux que lutter contre un sens unique à Fribourg.
Estimez-vous que les Droits de l’Homme, et ces huit objectifs de l’ONU sont relatifs à notre culture, à notre vision européenne, ne les considérez-vous pas comme des valeurs absolues ?
Ca dépend. L’extrême pauvreté, la faim, diminuer les maladies, l’éducation, tout ça, je pense que ce sont des valeurs partagées par tous. Les Droits de l’Homme en revanche sont des valeurs européennes.
Louis Rossier