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14 févr. 2016

Gothard - Non à un second tunnel routier coûteux et inapproprié

Le 28 février prochain, je rejetterai la construction d’un second tube routier au Gothard. Il ne s’agit pas d’être contre les camions. Nous savons tous qu’ils sont nécessaires à l’approvisionnement de notre territoire. Il ne s’agit pas non plus de rejeter la voiture. Beaucoup n’ont pas le choix. Il n’est également pas question de s’opposer à plus de sécurité sur nos routes. Quoi qu’en disent les défenseurs de ce second tube routier, en faisant campagne de manière éhontée sur les morts de 2001, le tunnel du Gothard est bien plus sûr que de nombreux tronçons routiers ailleurs dans notre pays. Il s’agit simplement de fixer des priorités, en tenant compte des finances chancelantes de la Confédération. 


Avant tout, laissons l’alternative du ferroutage faire ses preuves. Les NLFA, dont l'un des éléments clés (le tunnel de base du Gothard) sera inauguré en juin, ont été construites pour améliorer les capacités de transfert du trafic poids lourds de la route au rail. Prendre le temps de mettre à l'épreuve de la réalité nos infrastructures ferroviaires est d’autant plus pertinent que l’office fédéral des routes (ci-après OFROU) a confirmé, en novembre dernier, que les travaux prioritaires sur le tunnel routier du Gothard pourraient être réalisés durant les périodes habituelles de fermetures (nocturnes). Ce dernier peut donc sans autre être exploité jusqu’en 2035 (source : ICI, article en allemand). 

Investir près de 3 milliards au moment où les finances fédérales ne sont pas excellentes, alors qu’il n’y a aucune urgence à rénover ce tunnel est une aberration. C’est d’autant plus surprenant que d’autres tronçons routiers ont, eux, urgemment besoin d’améliorations et sont, eux, vraiment dangereux. Enfin, ceux qui osent affirmer que l’on peut dépenser 3 milliards pour un deuxième tube routier (inutile) sans que cet argent ne manque ailleurs se moquent de nous. La réfection du tunnel routier du Gothard constitue un projet d’entretien et de modernisation des routes nationales, financé actuellement par le « financement spécial de la circulation routière » (FSCR). Il sera financé par le fonds pour les routes nationales et le trafic d’agglomération (FORTA) proposé par le Conseil fédéral à partir de 2018, si ce fonds est accepté (source :  ICI). C’est donc une évidence. D’autres projets, financés via ce biais (le FSCR ou le futur FORTA), seront pénalisés. 

Quant à l’argument de la sécurité, sur lequel les tunneliers et leurs alliés font campagne, il ne tient tout simplement pas la route. Evidemment, construire deux tube supprimera le risque de collision frontale. Mais le vrai danger dans un tunnel, ce sont les camions. En prenant le train, ils ne risquent ni collision, ni surchauffe. Ajoutons que depuis 2001, des mesures de sécurité ont été prises au Gothard, qui ne figure d’ailleurs pas dans les points noirs du réseau routier national identifiés par l’OFROU (source : ICI). Même s'il est toujours désagréable de faire campagne sur les morts, ce sont bien ces points noirs qu'il est urgent d'assainir. Ensuite, le second tube sera inauguré dans deux décennies. Jusqu'en 2030 (si les travaux se déroulent comme prévu ce qui est rarement le cas), les véhicules continueront à circuler dans un tube bidirectionnel. D’ici là, d’immenses progrès auront été faits en matière de sécurité des véhicules, réduisant le risque de collision de manière conséquente. Enfin, une évidence qu'il est bon de rappeler: le risque zéro n'existera jamais. Un camion prenant feu dans un tunnel, qu'il soit bidirectionnel ou pas, fait courir un risque important à ses usagers, parce que son pouvoir calorifique est immense. Pour améliorer la sécurité il convient, comme je l'ai déjà dit, de mettre ces camions sur des trains (nous avons les capacités pour y parvenir, voir ICI, article en allemand).

Pour conclure ce paragraphe lié à la sécurité, j'ajouterai deux éléments importants:

  • Le concept de sécurité du tunnel du Mont-Blanc, où il n'y a plus eu de collision frontale depuis 15 ans, peut servir d'inspiration pour améliorer encore la sécurité au Gothard (pour plus de détails, vous pouvez lire cet article). 
  • Le tunnel routier du Gothard possède une galerie de sûreté. Parallèle au tunnel routier, la galerie de sûreté est éclairée et peut être empruntée par de petits véhicules. Elle est reliée au tunnel principal tous les 250 m par des abris. Ces abris possèdent un système de ventilation distinct de celui du tunnel et pour des raisons de sécurité, une surpression est maintenue par rapport au tunnel. Ainsi, en cas d’incendie dans le tunnel, aucune fumée ni gaz inflammable ne peut pénétrer dans les abris ni dans la galerie de sûreté (les détails ICI).

Le 28 février, je vous invite à voter NON au second tube routier du Gothard. Construire un deuxième tunnel pour rénover le premier est une solution peu efficiente, coûteuse et inappropriée. En l’absence d’urgence, il convient d’étudier les alternatives proposées par les opposants avant de dépenser 3 milliards pour un nouveau tunnel routier. Nous sommes tout de même au 21ème siècle ! La Suisse, pays de l’innovation, peut sans aucun doute proposer de bien meilleures solutions.

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