Savio Michellod - Conseiller communal et député - msavio.org

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5 sept. 2014

Tous dans la même caisse ?

Les caisses-maladie sont impopulaires et la cible récurrente de toutes les critiques, trop souvent aussi peu justifiées que factuelles. En Romandie, la gauche semble avoir réussi à convaincre la majorité que les caisses-maladie étaient responsables de la hausse continuelle des primes. Lorsque l'on sait que 95% des primes servent à payer des prestations de santé, l'accusation ne peut que s'effondrer. Avec 5% de frais administratifs (contre 10% pour la SUVA), les caisses-maladie sont efficientes.

Contrairement à ce qu'avancent les initiants, nous ne voterons pas pour ou contre la hausse des primes le 28 septembre prochain. Nous aurons uniquement l'occasion de voter sur un changement du système: les caisses-maladie, aujourd'hui privées, seraient étatisées. La proposition de la gauche est purement idéologique. Voulons-nous plus d'Etat ? Ma réponse est non !

L'incessante hausse des primes 

Elle est évidemment due aux coûts de la santé. Les frais administratifs, correspondants aux frais de fonctionnement des caisses-maladie, ne représentent que 5% des primes payées. Notons qu'ils sont en baisse depuis l'entrée en vigueur de la LAMal (de 8% en 1996 à 5% aujourd'hui). Ces frais administratifs, ne le perdez pas de vue, sont avant tout des salaires. Et pas les salaires des membres des conseils d'administration (j'y reviendrai), mais ceux de comptables, de secrétaires, de courtiers... en bref, de gens comme vous et moi.

Ainsi, à peu de chose près (constitution des réserves), la hausse des primes est équivalente à la hausse des prestations payées (graphique ci-dessous - OFSP).  

La gauche, d'une affligeante mauvaise foi, cherche à convaincre le citoyen (accessoirement assuré) que les caisses-maladie s'enrichissent sur son dos. Afin de le prouver, elle utilise l'argument suivant: "Les primes augmentent plus vite que les prix de la santé. C’est donc nous, payeurs, qui devons supporter ce fardeau". Cette citation est accompagnée d'un graphique:
Les chiffres sont justes. Seulement, les initiants comparent l'évolution de la prime LAMal (24 milliards en 2012) non pas aux prestations payées dans le cadre de la LAMal (22 milliards en 2012), mais à l'ensemble des coûts de la santé (68 milliards en 2012). Comparer des pommes et des poires et nous dire qu'elles sont différentes n'apporte pas grand chose au débat !

Si l'augmentation des primes LAMal est, en pour-cents, plus rapide que celle des coûts totaux de la santé, c'est simplement parce que les dépenses de santé dans le cadre de la LAMal augmentent plus rapidement que les dépenses totales. Il en est ainsi parce que le catalogue de prestations LAMal tend à s'étoffer, parce que la médecine progresse, parce que la population vieilli (on sait que, en principe, les dépenses de santé de la dernière année de vie sont supérieures aux dépenses de santé de tout le reste de la vie) et, sans doute, parce qu'on consomme plus facilement des prestations médicales lorsqu'elles nous sont remboursées. 

En résumé, sur 100 francs de prime, 95 francs sont utilisés pour payer les salaires des médecins, les médicaments... en bref, les prestations liées à la santé. 5 francs servent à couvrir les frais administratifs des caisses-maladie, dont 4.20 pour des salaires et 35 centimes pour le marketing. Imputer la hausse des coûts de la santé à un faux coupable, les caisses-maladie, est bien trop simple. A moins de diminuer les prestations ou de réduire les salaires des médecins, avec ou sans caisse publique (et unique), les primes continueront d'augmenter.

Une seule prime par canton

Actuellement, les cantons sont divisés en régions de prime. A Fribourg, il y en a deux. Une pour la capitale et sa région, l'autre pour les zones plus rurales. Les assurés en zone rurale paient aujourd'hui moins cher que les assurés des zones urbaines. Avec la caisse unique (ou publique), il n'y aura qu'une seule prime par canton. En votant oui, les Veveysans auront des primes plus élevées uniquement en raison du changement de système (entre 10 et 20%) et rien n'indique que les habitants de la capitale verront les leurs baisser !

Exemple: une famille de trois personnes, choisissant la prime mensuelle la moins chère avec le modèle Telmed, une franchise à 1500 francs pour les parents, sans assurance accident, une franchise à 600 francs pour l'enfant, avec assurance accident payera, chaque année, 800 francs de primes (soit 16%) en plus à Fribourg qu'à Châtel-st-Denis :

A Châtel-St-Denis (421 francs par mois, 5052 francs par an)
Personne n° 1 (1980)
CHF 191.10
Personne n° 2 (1985)
CHF 191.10
Personne n° 3 (2005)
CHF 38.80

A Fribourg (488.30 par mois, 5869.60 par an)
Personne n° 1 (1980)
CHF 222.40
Personne n° 2 (1985)
CHF 222.40
Personne n° 3 (2005)
CHF 43.50

Et la transparence ? 

Les assureurs-maladie seraient peu transparents. Pourtant, les comptes de chaque assureur maladie sont publié sur internet, avec tous les détails nécessaire à la bonne compréhension du système. Je vous donne même le lien :
http://www.bag.admin.ch/themen/krankenversicherung/00295/07338/index.html?lang=fr

On y constatera que 95% des primes encaissées servent à payer des prestations médicales, que les frais administratifs représentent 5% des coûts, la publicité, apparemment tant décriée par certains, 0.35%.

Ceux qui dénoncent l'opacité du système ont-ils consulté une seule fois les comptes des assueurs-maladie ? Vraiment ? Et puisqu'il leur semble si important de savoir à quoi est affecté l'argent qu'ils dépensent, étudient-ils aussi les comptes des communes, des cantons ou de la Confédération, pour s'assurer de la bonne utilisation des impôts payés ?

Des bâtiments luxueux des assureurs maladie 

Ceci n'est pas le siège d'un assureur privé !
Certains pensent peut-être encore aujourd'hui que les réserves des assurances privées sont placées dans un grand coffre fort, un peu à la manière de Picsou. Eh non, elles sont placées (d'ailleurs, même Picsou plaçait son argent, son coffre ne contenait que "l'argent souvenir"). Et elles le sont dans l'immobilier, en Suisse de surcroît. Auriez-vous préféré qu'elles soient investies dans les subprimes américaines ? Ou à l'étranger ? J'en doute !


Des Conseillers nationaux siégeant dans les conseils d'administration des caisse-maladie

Attention, il y a là conflit d'intérêt, nous dit la gauche. A mon avis, pas plus que lorsqu'un Conseiller national siège dans la direction d'un syndicat ou de n'importe quelle autre association, ni plus que lorsqu'un Conseiller national est directeur d'une entreprise. Si cela vous inquiète vraiment, faites campagne contre ces moutons noirs, afin qu'ils ne soient pas réélus...

Aujourd'hui, les caisses-maladie négocient les tarifs avec les médecins et les hôpitaux. Pas toujours à l'avantage de ces derniers, c'est vrai. Il s'en plaignent assez. Et tant mieux, l'objectif des assureurs privés étant de maintenir les coûts aussi bas que possible, dans l'intérêt des assurés. Si l'assurance-maladie devenait étatique, qui négocierait les tarifs ? Les directeurs d'hôpitaux et les médecins entreront dans la direction des caisses cantonale. Ils négocieront avec d'autres directeurs d'hôpitaux et d'autres médecins leurs propres tarifs (c'est là qu'on comprend pourquoi tant de médecins et de Conseillers d'Etat responsable de la santé sont favorables à la caisse étatique).

Evidemment, là, la gauche ne voit pas de conflit d'intérêt ! Qu'un médecin participe à la fixation de son salaire, c'est en ordre. Qu'un Conseiller national siège au conseil d'administration d'un assureur privé: qu'il soit pendu !

Des 61 conseils d'administration grassement payés

Avec le système actuel, nous avons 61 conseils d'administration dont les membre sont grassement payés. Voilà un argument choc ! Et pourtant, rien n'est plus éloigné de la réalité.
  • Sur les 61 entreprises actives dans l'assurance-maladie, 36, soit plus de la moité, ont moins de 100'000 assurés. Plus d'une dizaine en ont seulement quelques milliers (22 moins de 10'000). Il s'agit donc de PME. Je sais qu'à gauche, on se fait souvent une étrange image du patron, forcément riche et abuseur. C'est totalement absurde. Un exemple: Krankenkasse Zeneggen a des charges d'exploitation (hors assurance) de 74'000 francs, au autre: la caisse-maladie Vallée d'Entremont, avec des charges de 1,4 millions. Je pourrais continuer la liste, avec les 36 petites caisses...
  • Il y a 5 caisses-maladie qui ont plus d'un demi-million d'assurés. Là, les salaires du Conseil d'administration sont sans doute plus "gras". Toujours est-il que ces conseils d'administration sont constitués de moins de 10 membres. La SUVA, souvent citée en exemple, a 40 membres dans son Conseil d'administration !
La chasse aux bons risques

Le législateur est conscient de cette problématique et a légiféré, afin que d'améliorer les processus de compensation entre les caisses-maladie. Cela rendra cette fameuse "chasse aux bons risques" sans intérêt réel pour les caisses-maladie. C'est une bonne chose.

Nos actions contre la caisse unique
 A Romont

A Fribourg, avec les figurants et la caisse en verre

Article paru dans le Messager, 5 septembre 2014


Je conclurai en rappelant que notre système de santé et d'assurance-maladie est bon. Il n'est pas parfait, aucun système ne l'est. Changer tout le système alors qu'il n'a que quelques imperfections revient à tirer sur une mouche avec un canon.



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